samedi 15 janvier 2011

15. Un bidon d’essence à Tunis

Devant les jacqueries de quatre-vingt dix morts sous le compteur des points entrés dans le money time
Les affichettes placardées veulent la chute de Bouteflika et de Ben Ali laissés aux chiens de l’islamisme
Aucune alternative aux Frères Musulmans pour gonfler la voilure occidentale du Maghreb à l’abandon
Le choix de la modernisation refusant celui de l’occidentalisation pour des habitants connaissant l’IDH

Les casseurs pillent impunis d’Oran à Tunis parce qu’ils échappent à l’OAS que l’Histoire a refermée
Une génération de l’indépendance laissée à la Résurgence de l’Islam aux périphéries palingénésiques
La prédation des richesses pétrolières cuvant dans la tirelire des réserves de change en fonds souverains
Ce pactole qui fait à peine un mégot pour les peuples serviles taillant à l’usine ou trébuchant dans la rue

L’embrasement des cités sous le courroux des foules diplômées fait monter la hargne jusqu’au ciel brun
Millésime savant de violence révolutionnaire tenant la page des élites croupissant devant un label inutile
Alors qu’une livre d’huile et des sesterces de farine auraient suffi à bâillonner les chaumières aux cuisines
Le droit administratif algérien ajoutant l’arrêt Dehaene au nombre des revendications civiles du Léviathan

Les corps maghrébins peuvent se tabasser, tuer les leurs et faire choir les cadavres des encolures du Rift
Sous la déploration de Marie-Madeleine via un télex de deux lignes tombés de l’AFP les bras dans le dos
Une génération massacrée en silence prend sa revanche sur des élites évitant les insurrections de l’Aqmi
Ces nouvelles de rien traînant des pellicules du jihad auprès des colères musulmanes se taisant d’Allah

C’est la culture mise à sac lors de la destruction des idoles qui rappellent les Bouddhas de Bamiyan
Criblés par les mitrailleuses qui défouraillent sous l’action de plusieurs gamins percutant les falaises
Ils marchent sur les prébendes des walis plutôt que sur des épis de margarine et crèvent sur les pavés
L’homme mort prenant sa couleur écarlate au plein midi du soleil que les rats attendent de dépecer

Le spectateur démocrate du nord remercie Dieu pour ces poussées de fièvre dans les pays du sud
Où le cobalt se déchaîne entre les peuples qui se crachent dessus et se suicident par procuration
Tandis qu’il prend les paris sur la durée du conflit et l’issue cramoisie d’un compromis de pimprenelle
L’Union Européenne se léchant les babines quand les réseaux sociaux prennent le relais de l’information

À l’origine des faits un pauvre martyre Mohamed Bouazizi s’est éteint sur son bûcher la peau aspergée
Par l’essence d’un état d’urgence décrété au 14 janvier 2011 plus un couvre-feu anti-incendie dans la ville
Les autorités préférant livrer un certificat de décès après le passage des brûlures dans les salles de traumato
Que de tamponner un permis ambulant de travail quand les fruits sont vendus à la criée des rues pourraves

Si les Tunisiens n’ont pas de pain qu’ils mangent de la brioche à la faveur des boulangers généraux
Donnant sur Twitter et YouTube les nouvelles vidéos d’une évolution du conflit sous fusils d’assaut
Que les acteurs nourrissent en faisan la danse du scalp sous les lampadaires éclatés des ruelles d’alcool
Un protectionnisme numérique sortant les barbelés et une interdiction fictive de pénétrer sur le territoire

La guerre civile s’est engagée sur le Net via des ogives de serveurs proxys qui détectent et embastillent les trolls
Anonymous s’emparant des hébergeurs des sites ministériels contraints de camper à l’étoile de la belle lune
Tous les bloggeurs faisant un front commun au sein d’une première révolution des flux de l’information
Après l’appel audio de Téhéran relatant en mpg les virulentes clameurs de la révolte en streaming

La révolution peut enfin porter son nom au soir de la démission du grand prélat évanoui
2011 fait un 1789 ou un 1642 pour les Arabes sortis de leurs niches en torchis mal ficelés
Les rênes du pouvoir laissés en intérim à Mohamed Ghannouchi contraint à un volte-face
Silence d’une fin des protectorats où les pays se dépêtrent de leur souveraineté à double tranchant

Dès le lendemain l’intérim est confié à Fouad Mebazaâ issu du perchoir de l’Assemblée locale
Après une nuit d’horreurs et d’exactions policières faisant le prix d’une révolution au fer rouge
Le Conseil Constitutionnel du RCD reprenant les rênes de la nomination sur les décombres nocturnes
L’homme n’imagine pas entrer dans l’histoire sans se rouler dans la flaque des massacres enfantins

1 commentaire:

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    "O tyran oppresseur...
    Ami de la nuit, ennemi de la vie...
    Tu t'es moqué d'un peuple impuissant
    Ta main est teinte de son sang
    Tu abîmes la magie de l'univers
    Et tu sèmes les épines du malheur dans ses éminences
    Doucement ! Que ne te trompent pas le printemps,
    La clarté de l'air et la lumière du jour
    Dans l'horizon vaste, il y a l'horreur de la nuit
    Le grondement du tonnerre et les rafales du vent
    Attention ! Sous la cendre, il y a des flammes
    Celui qui plante les épines récolte les blessures
    Regarde là-bas où tu as moissonné
    Les fleurs de l'espoir
    Le torrent du sang va t'arracher
    Et l'orage brûlant va te dévorer."

    Abou el Kacem Chébhi, poète tunisien



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