mardi 8 février 2011

38. La perche du Nil introduite dans le lac Victoria

Les centropomidés nécessitent un régime alimentaire de cichlidés dans les eaux tropicales
Les tonnages de perches ont centuplé après leur introduction dans les eaux neutres de 1954
Un poisson de deux mètres faisant figure d’espadon d’eau douce auprès des tireurs à la ligne
Cherchant le scalp d’une armure d’écailles sortis des eaux comme les sirènes de l’imaginaire

L’exportation vers l’Union Européenne d’une friture à la chair gastronomique fait sa ponte  
Des kilotonnes de devises indexées aux ravages du fretin dévorant ses congénères perciformes
Découpé finalement en filet sur un lit de poireaux avec safran, curcuma, sel, citron et délices
Après une cuisson de régal le bonheur d’avoir taillé dans le vif un cœlacanthe sur l’étal multiple

Des milliers de carcasses sèchent au soleil sous l’éclat napalmisé des ossements et des arêtes
Depuis les hangars de Kisumu où les découpes du poisson se font sur un patron industriel
Les famines de l’Afrique se nourrissant des abus fractales qui tapissent une économie de toc
Dans une Tanzanie au sud-est de Victoria reflétée par les écailles grises cobalt de ces dépouilles

Une plus haute teneur en graisse exige que les poissons de deux cent kilos soient séchés puis fumés
Sur un brasier composé de bois environnants qui déforestent la nature sous des exsudats de chaux
Pendant qu’un documentaire onirique dresse un portrait aigre-doux des poissonniers de la débrouille
D’une Afrique vendue à ses spectateurs par le prisme de la corruption, de l’horreur et de l’extrême

Ce sont des balles de kalachnikov qui descendent du fret des gros porteurs acheminant les cargaisons
Dans l’imaginaire collectif voyant d’une oblique de Ouagadougou à Harare les pointillés de la honte
L’exportation à double sens des prostitutions et de la misère guidée par les Zaïrois dans le bon coup
Quand les films qu’on rapporte sur nos filets se noient dans une production maraîchère de six cents

Certaines femmes vont suspendre pendant une journée les squelettes dans la vermine de leur jour
Une industrie de plusieurs millions de dollars reliant directement les usines de retraitement en Israël
Aux restaurants gourmets gourmands qui réfléchissent à la carte exotique de la saison prochaine
Les pêcheries locales ayant accédé aux normes sanitaires proches des standards internationaux

Le minable et le sordide sont conviés à la table de la bombance poétique assaisonnée à la hâte
Maniant le couteau et la hache quand il faut choisir un angle de vue par-dessus un prisme sélectif
Le développement économique n’étant pas moins certain que l’appauvrissement des espèces
À la fin d’un texte mettant l’huile sur le feu pour lécher l’eau à la bouche ce sillon de l’injuste

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire