vendredi 25 novembre 2011

223. L’usine du monde


1
Non loin d’Hong-Kong, les usines sortirent des champs en maniant le fouet et les machines
Un rouet travaillant sur 24 heures, les dos courbés sur des aiguilles qui perforent la matière
Les métiers à tisser de l’horreur, poinçonnés par les contrefaçons, sur un patron au millimètre
Des mains innocentes s’agitant pour le gîte et le couvert, les fruits d’un délabrement industriel
2
Les mères de famille surveillent leurs fils sur les stocks de produits finis enchevêtrés sur des piles
Des heures de travail immobiles qui suivent les cadences de production et les carences humaines
Un perforateur en laiton et acier tranchant les matières textiles au moyen de mille points de croix
Les dortoirs et cantines mises à pied d’œuvre offrent alors une proximité aux chaînes de montage
3
Les hommes suent de la graisse au milieu des bouilloires où s’irisent les enzymes indigo
Un néon éclairant la nuit de labeur pour les jeunesses dénudées par leur force de travail
Une vie née en Chine pour faire tourner les fraiseuses et les marges bénéficiaires de 20%
Les machines à plein régime freinées quand rompent les courroies de transmission musculaire
4
Les fumeries d’opium sont remplacées par des paquets de Chesterfield au milieu de l’insalubrité
Des cartes et un solitaire sur une table basse où le crâne s’échine, plus loin un Mah-jong et le pari
De la merde pour les uns, de l’alcool de riz et de la truite braisée pour les chefs de production
Un même jeu de loisir, des cartes et le vice, au sein des casinos improvisés dans les arrière-salles
5
Un œil panoptique contrôle le débit des aciéries et des forges, alors régulées par le Code du travail
La découverte des congés payés chinois se faisant au Nouvel An où s’entassent dans les wagons,
Ces fourgons où 200 millions d’hommes en levrette partent chercher le sable d’une plage lessivée ;
Des babioles offertes aux familles, un buffet annuel aux raviolis festoyant sur des croissances de 9%
6
Les paysans sont exportés dans les catégories ouvrières où se recyclent également les physiocrates
Des rizières au mandarin, la nouvelle dialectique du maître et de l’esclave au milieu d’un turnover
Quand l’ouvrier quitte sa place pour chercher la même chose chez un autre avant l’avis de grève
Le parlementarisme gagnant du terrain dans cette Chine ancestrale qui devient au climat tempéré
7
La constitution du capital individuel dans une société post-maoïste nécessite vols et rapines
Une captation kolkhozienne des biens publics réinvestis dans les machineries du nouvel âge
Face à une nouvelle concurrence issue d’Afrique noire plus l’obligation des charges sociales
Les mutations du secteur de la province du Guangdong délocalisant dans les terres du milieu
8
Les filles, en costume de soie écarlate, dégrafent leur prouesse ; ces filles, concubines et hôtesses
Une industrialisation à la va-vite, laissant ces belles femmes propriété des mandarins étrangers
Touristes d’affaires au balcon de leur stupre, dans les caniveaux de l’orgueil, la Chine multiple
Une bassine d’acide sulfurique au visage pour quelques-unes des femmes endeuillées de vérité
9
C’est la morne plaine des vagins indolents qui échappent vers le littoral aux travaux des champs
Un eldorado de la croissance moyennant les sueurs et les peines courbant un homme de bambou
Les veines à ciel ouvert, les bloggeurs sur la Toile, les hématies sociales vitupérant à l’air libre
Des femmes offertes aux richesses polygames des nantis d’Hong Kong, traders ou business man

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